Par
Alain Fourest, 15
mai 2004
Se
loger à Marseille : mission impossible
Un
scandaleux paradoxe
Marseille
se flatte d’être le paradis de l’immobilier
: « Un parfum de croisette flotte sur Borely »,
« les quartiers Nord profitent du boom de l’immobilier
» « la folie immobilière déferle
sur les quartiers Nord » « le marché
des villas ne cesse de croître dans notre département
» ou encore « Marseille suscite une irrésistible
attirance » Tels sont quelques-uns des titres qui
s’étalent presque chaque jour dans la presse
locale. Nul doute que pour les banquiers, les entrepreneurs,
les promoteurs et agents immobiliers mais aussi bon nombre
de propriétaires, cette « folie » soit
une aubaine et que chacun souhaite que ça dure. Mais
ce qu’il faut bien appeler un phénomène
spéculatif pourrait avoir des conséquences
douloureuses non seulement pour tous ceux qui ne disposent
pas des moyens de prendre part à ces enchères
mais aussi plus simplement à tous ceux, et ils sont
nombreux, qui sont la recherche d’un logement à
un prix compatible avec leur ressource.
En
effet, d’autres titres un peu plus inquiétants
côtoient les premiers : « 5 000 personnes
seraient en errance dans la ville » ; « 50 000
Marseillais dans la précarité » ; «
Un couple et un bébé logés dans 9 m2
» ; « 2003 : le logement social marque le pas
dans le département » ; Parc HLM : la production
régionale en chute libre »
Un cri d'alarme et appel urgent
Cette
situation inadmissible et dangereuse est une fois plus dénoncée
par un regroupement d’associations qui agissent, souvent
avec des moyens dérisoires pour tenter de donner
un toit à ceux qui n’en ont pas et qu’on
désigne sous le terme hypocrite « des plus
démunis » L’Ampil, la fondation Abbé
Pierre, la FNARS, l’URIPOS, Droit au logement, le
Pact Arim, l’Université du citoyen Centre Ville
pour tous etc. appellent le 4 juin prochain à Marseille
à des états généraux du logement
et lancent un nouveau cri d’alarme. Cet appel s’adresse
en premier lieu au gouvernement responsable du financement
du logement social mais au-delà à tous les
acteurs de la politique du logement dans le département.
Des
responsabilités largement partagées
La
Convention citoyenne a depuis de nombreux mois déjà
dénoncé les conséquences prévisibles
d’une politique de l’habitat à Marseille
qui organise la ségrégation spatiale, privilégie
le marché privé du logement et alimente la
spéculation. La convention citoyenne se félicite
de l’initiative des associations qui militent pour
le droit au logement et participera aux états généraux
du logement.
En
effet devant la complexité des mécanismes
qui sont censés répondre aux besoins en logement
pour tous, reconnus par la constitution, il est souvent
difficile de situer les responsabilités. Chaque représentant
d’une institution se retranche en effet sur son voisin
et devant l’irresponsabilité généralisée
c’est finalement le candidat au logement qui est finalement
l’accusé responsable parce qu’il est
chômeur, jeune, perturbateur, qu’il n’offre
pas les garanties de ressources suffisantes, ou mieux encore
immigré, étranger, demandeur d’asile
ou tsigane. Dans ce dédale de responsabilités
l’État à certes sa part mais comme le
montre le débat actuel sur la décentralisation
voilà plus de 25 ans que les élus locaux revendiquent
et obtiennent progressivement une part croissante de pouvoir
sur la politique de l’urbanisme et du logement.
Nous
disons donc avec force : Assez de discours hypocrites
et de petites lâchetés. : À Marseille,
la municipalité Gaudin, par la politique qu’elle
a engagée depuis bientôt 9 ans est directement
responsable de la situation dramatique décrite ci-dessus.
Une
politique municipale qui organise la pénurie de logements
sociaux
Les
modifications régulières du plan d’urbanisme
et du droit à construire favorisent depuis plusieurs
années la promotion immobilière au détriment
des organismes de logements sociaux. Les programmes de «
reconquête du centre ville » affichent ouvertement
la volonté d’un rééquilibrage
du peuplement avec l’aide des investisseurs privés
attirés par des mécanismes de défiscalisations
particulièrement pervers. On rappellera que la ville
de Marseille contrôle directement ou indirectement,
par le biais des garanties d’emprunts indispensables,
plusieurs organismes de logement social Marseille Habitat,
HMP, mais aussi SOGIMA, Logirem etc. Ces outils techniques
sous l’autorité des élus appliquent
depuis plusieurs années des politiques malthusiennes.
Alors que l’on recense plus de 20 000 demandes
de logements sociaux dans la ville, la production annuelle
plafonne à moins de 600 en comptant les résidences
pour étudiants et personnes âgées. On
notera que cette pénurie organisée n’est
pas due à l’insuffisance de crédits
d’État puisque régulièrement
des crédits programmés sont rendus au budget.
Plus grave encore, sous prétexte de projets de restructuration
urbaine appelés pompeusement démolition reconstruction,
avec la complicité active du gouvernement plus de
2000 logements sociaux sont vidés et murés
depuis plus de 10 ans dans la seule ville de Marseille.
La
crise du logement à Marseille touche aujourd’hui
non seulement les « pauvres » mais aussi bon
nombre de familles de salariés et en particulier
des jeunes ménages. Malgré les discours lénifiants,
et quelques gestes à dominante caritative comme le
Samu social, la politique municipale conduite par JC Gaudin
porte une responsabilité directe de cette crise.
Une
autre politique du logement à Marseille et dans l’agglomération
est possible. Elle doit s’appuyer sur une volonté
sans faille de proposer à chaque habitant l’accès
à un logement décent comme l’affirment
les lois en vigueur. Il y faut du temps de la persévérance
et surtout une volonté d’écoute et de
partage avec tous ceux qui dans la : ville et ailleurs considèrent
que le droit au logement est une nécessité
mais aussi la condition d’une indispensable cohésion
sociale.
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