L'après
21 avril 2002
Pour
comprendre... et agir
Par Philippe Sanmarco
Président de la Convention Citoyenne
Si
l'on veut comprendre ce qui s'est passé lors des
récents scrutins et surtout travailler à reconstruire
une alternative politique crédible, le plus important
est de ne pas se tromper de base d'analyse. Penser l'avenir
en fonction du résultat du deuxième tour des
présidentielles et de ceux des élections législatives
serait persévérer dans l'erreur. Tous ces
résultats ne furent que la suite logique de la débandade
du 21 Avril. La réalité politique à
laquelle nous sommes confrontés n'a pas grand-chose
à voir avec l'image d'un Président réélu
triomphalement ni avec celle d'une majorité parlementaire
de circonstance. C'est le premier tour des dernières
élections présidentielles et lui seul qui
a signifié les vrais choix de nos concitoyens. On
peut comprendre qu'ensuite Jacques Chirac ait profité
de l'aubaine pour se dresser en grand rassembleur, lui qui
partait de si bas, et qu'il ait au passage imposé
le rassemblement de la droite. On peut également
comprendre que certains à gauche aient essayé
après coup de culpabiliser leurs électeurs
et qu'ils aient alors accrédité à leur
profit l'idée d'un pseudo vote utile. On n'est pas
obligés d'avaler ces balivernes.
La réalité c'est d'abord une nouvelle et forte
progression de l'abstention et du vote blanc qui signifient
une amplification du rejet de l'offre politique. La réalité
c'est ensuite que de très nombreux électeurs
de gauche n'ont pas voulu, réflexion faite, voter
pour le candidat socialiste au 1er tour des présidentielles.
C'est cela qu'il faut analyser lucidement pour en tirer
des conséquences courageuses. Pour remettre en cause
les raisons qui justement nous ont amené à
ce désastre. Tout le reste n'est que trompe-l'il
et manuvres d'appareils en perdition. Comme si tout
ceci n'était qu'un affreux malentendu, qu'un mauvais
moment à passer. Comme si c'étaient les électeurs
qui s'étaient trompés, tels de mauvais élèves
qui devraient recommencer leurs copies, tels des enfants
prodigues qui devraient venir ou revenir au bercail et faire
amende honorable. Tout cela sera vain.
C'est
particulièrement vrai dans notre Département.
Les appareils traditionnels de la gauche n'y ont pas été
à la mesure de la situation. Non contents de n'avoir
rien vu venir avant le premier tour des présidentielles,
ils n'ont pas su ensuite opérer une vraie riposte
à l'occasion des législatives. Il fallait
d'abord signifier qu'on avait compris le message des présidentielles
et celui des manifestations unitaires du 1er Mai. Il fallait
ensuite dire que si on souhaitait une majorité de
gauche c'était pour faire autre chose que ce qui
venait d'être rejeté. Il fallait donc immédiatement
s'engager sur les grandes lignes de cette réorientation
nécessaire, urgente.
Enfin,
mais enfin seulement, et pour donner corps à cette
réaction de salut public, la situation imposait de
se rassembler partout, et au-delà des appareils traditionnels,
derrière une candidature unique et crédible.
Au lieu de cela, nous avons assisté à la mobilisation
du syndicat des sortants, sans perspective politique d'ensemble,
sans contenu, et sans union. On nous a ressorti la bonne
vielle ficelle de la peur du Front National, comme si l'on
pouvait revivre aux législatives un scénario
présidentiel. La suite montrera qu'il n'y avait aucun
danger de ce genre, mais l'argument permit de faire oublier
les responsabilités, d'éviter la moindre autocritique,
et au contraire de culpabiliser les électeurs. Les
incendiaires prétendaient être les pompiers.
Car ce sont bien souvent les pratiques clientélistes
et dévoyées des appareils locaux dits de gauche
qui sont à l'origine de la situation que nous connaissons.
Le reste ne fut que péripéties politiciennes.
Le PS refusant une démarche globale et publique pour
s'enfermer là où il excelle, les petites négociations
secrètes avec le PC et les Verts, mais toujours séparément,
jamais tous ensemble. La conclusion fut que dans aucune
des 16 circonscriptions des Bouches-du-Rhône il n'y
eu de candidature unique et crédible. Comment les
électeurs pouvaient-ils voir dans ce spectacle lamentable
la réponse qu'ils attendaient, la traduction politique
du sursaut qu'ils avaient exprimé.
Dans ces conditions déplorables, il a fallu beaucoup
de courage à celles et ceux qui ont décidé
de ne pas se résigner, de ne pas cautionner, et qui
se sont présentés malgré tout. Quel
qu'ait été leur résultat, qui ne pouvait
pas être satisfaisant dans ces circonstances, ils
ont sauvé l'essentiel : l'affirmation qu'une autre
façon de faire de la politique est possible, qu'elle
est même urgente et que nous ne renoncerons pas.
Celles
et ceux qui, avant ces élections, avaient tiré
la sonnette d'alarme ne doivent donc pas se laisser impressionner.
Le fait d'avoir eu raison doit être source d'écoute
et non de dénigrement. Et inversement les responsables
de l'échec doivent mettre immédiatement fin
à leur arrogance. La vie politique continue. Avec
le mouvement social et associatif, nous devons faire entendre
notre voix. Et pour que les choses soient claires pour ceux
qui n'auraient pas compris, nous devons dire publiquement
que si rien ne change dans les pratiques des appareils locaux
dits de gauche, eh bien ce que nous avons eu le courage
de faire dans les pires conditions lors des législatives,
nous le referons avec plus d'espace et de moyens lors des
prochains scrutins, cantonal, régional et européen.
Nous nous y préparons.
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