« Qui a tué la police de proximité que la majorité des élus et de nombreux policiers appréciaient et voulaient conserver ? La réforme est morte d’avoir été menée dans la précipitation, sans évaluation générale, victime aussi de la politisation de la sécurité depuis les années 1990, exacerbée à partir de 2001-2002. Celle-ci conduit la gauche à infléchir le sens de la réforme, en poussant les îlotiers à « faire du répressif », sans être capable ensuite de défendre sa politique. Ainsi, la hausse du nombre de plaintes, loin de refléter « l’explosion de la criminalité », s’expliquait-elle par le retour des « usagers » vers une police à laquelle ils faisaient davantage confiance [2]. Nicolas Sarkozy a fait depuis 2002 de la police de proximité l’antithèse absolue de sa politique de sécurité, privilégiant une politique d’affrontement et de déploiement en force. Pour autant, l’ouvrage pointe, à plusieurs reprises, des continuités entre les orientations sécuritaires d’après 2002 et celles, antérieures, du gouvernement Jospin.
Des pistes pour rapprocher la police des citoyens
Au final, Christian Mouhanna déplore la rhétorique martiale, les gratifications salariales données aux policiers sans contrepartie, la politique du chiffre instrumentalisée au service de l’ascension présidentielle de Nicolas Sarkozy, qui ont abouti à la situation que l’on connaît : une police malade de son centralisme autoritaire, ne laissant guère d’autonomie à la « base », et dont les évolutions les plus récentes (vidéosurveillance, militarisation, nouvelles unités) accentuent le poids du modèle de la police « d’intervention ». La crise actuelle tient aussi dans ce que les gouvernants, de gauche comme de droite, de Jean-Pierre Chevènement aux responsables actuels, refusent d’assumer que la police ne peut pas tout faire, et qu’elle ne peut pas tout résoudre par la force. Ce que l’on saisit à la lecture de l’ouvrage, c’est une articulation structurelle profonde entre crise économique et crise sécuritaire dans le champ politique. Tout se passe comme si les gouvernants, impuissants face à la dégradation de la situation économique et sociale, se réfugiaient dans une crispation pour « tenir » et « encadrer », coûte que coûte, la société par la force, c’est-à-dire la police. »