Avec Philippe Sanmarco
 
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10 questions à Philippe Sanmarco
Oui, une autre région est possible !

La Liste Citoyenne portée par le Forum des initiatives citoyennes, fait débat. Nous publions ci-dessous les dix questions que posent les militants, les syndicalistes, les citoyens qui participent depuis la mi-décembre aux rencontres organisées dans les six départements de Provence-Alpes-Côte d’Azur.

1 Vous avez lancé un appel ouvert à la constitution d’une liste citoyenne aux régionales. Où en êtes-vous ?
Nous avons fait les deux tiers du chemin et cet appel a permis d’ouvrir un vrai débat régional sur les contenus de la politique et le sens de l’engagement individuel et collectif. Mais nous sommes confrontés à un problème sérieux : nous avons en effet plus de militants, de responsables associatifs ou syndicaux qui nous soutiennent que de candidats déclarés, tout simplement parce qu’ils ont peur, non pour eux-mêmes, mais pour les projets qu’ils portent. Ils redoutent les mesures de rétorsion pour leurs actions dans les quartiers, dans le domaine de la culture, dans les écoles… Le clientélisme est une réalité pesante et certains en ont déjà fait les frais.


2 En présentant une liste, vous prenez le risque de diviser la gauche, alors que la division rebute justement les électeurs…
Depuis un an, nous avons travaillé à l’union la plus large. Nous avons rencontré tous les responsables politiques de cette région au plus haut niveau, des Radicaux de gauche à la LCR en passant par les Verts et le PCF. Seul le parti socialiste s’est refusé à nous rencontrer. La LCR a fait de son côté le choix de l’union avec LO. La division est donc là, elle n’est pas notre fait. De notre côté et jusqu’au bout, nous avons proposé une démarche citoyenne pour nous entendre à la fois sur le fond et sur une liste qui soit constituée de candidats de terrain engagés aux côtés des habitants de cette région. Le résultat, vous le connaissez : des accords d’appareils.


3 Appareil ou pas, la gauche est unie…
Nous venons de voir qu’il n’en est rien. Quand à l’ex gauche plurielle c’est vrai qu’elle se présente chez nous unie, ce qui n’est le cas, ni à Paris, ni à Lille, ni à Lyon, ni à Toulouse. Mais cette union s’est faite exclusivement sur la base d’une formule magique : 34, 18, 12, 3, 1. Décryptons. La gauche, unie, nous dit-on, et triomphante, nous assure-t-on, emporterait 70 sièges au Conseil régional. Selon la presse, le Parti socialiste s’en adjuge 34, le Parti communiste 18, les Verts se satisfont d’une petite douzaine, les radicaux décrochent trois sièges et le sortant MRC (ex-chevènementiste) s’autoreconduit. Personne n’est capable d’expliquer pourquoi et sur quels critères ceux-là seront sur la liste de la gauche officielle, ni surtout ce qu’ils vont faire.

À ce quinté, il faut ajouter deux places royalement accordées à des « personnalités d’ouverture », à la « société civile » ! 2,8 % de citoyens face à 97,2 % de candidats désignés par les appareils des partis. Deux citoyens, deux otages, soigneusement choisis dans les conciliabules interpartidaires. Deux petits sièges que l’on a déjà promis à une douzaine de personnalités de la région : écologistes indépendants, régionalistes, syndicalistes ou intellectuels engagés.

La Liste Citoyenne fera l’inverse, elle sera 100 % citoyenne, 100 % reconnue pour son enracinement dans l’action de terrain. Le profil des candidatures sera un élément de lutte contre le discrédit de la parole politique. Aucun candidat ne sera présent du fait de son appartenance à un parti, mais uniquement pour son engagement dans le monde associatif syndical et citoyen.


4 La gauche n’est pas la droite et le bilan de la mandature n’est pas négligeable…
D’abord admettons avec les sortants que la situation de majorité relative a conduit, séance plénière après séance plénière, à donner des gages importants à la droite. La moitié de la politique a donc été une politique de droite. Quand au reste, il faut saluer le courage de quelques élus qui, contre vents et marées ont maintenu le cap et sont restés fidèles à leurs engagements. Certains le paient d’ailleurs en n’étant pas reconduits. Mais le bilan global manque pour le moins de visibilité. Qui peut citer ne serait-ce que trois réalisations significatives de la dernière mandature ?

De mauvais coups ont été portés contre des associations très actives et cela reste inadmissible. Certains se sont servis de la région uniquement pour arroser leur territoire électoral… Nous sommes loin d’une gestion citoyenne, démocratique et transparente.



5 Les propositions que vous faites ne sont pas si éloignées que ça de celles de Michel Vauzelle…

À ce jour nous ne les connaissons toujours pas ! Mais on sait avec quel mépris les partis proposent de beaux programmes vite oubliés le soir des élections. Tellement oubliés qu’on a peine à s’en souvenir lors de l’élection suivante, ce qui évite de se voir rappeler des promesses non tenues. D’ailleurs, quel était le programme des socialistes pour notre région il y a six ans ? Le vide renvoyant à l’oubli, ils peuvent repartir comme si de rien n’était !
Nous héritons ainsi d’un tel discrédit de la parole politique qu’il faut réagir fortement. À cet égard, les candidats de La liste citoyenne refuseront tout cumul de responsabilité dans l’exercice de mandats électoraux. C’est un engagement solennel qui ne souffrira aucune exception.

Les propositions de La liste citoyenne, présentées dans les “Cahiers de revendications et de propositions”, sont ouvertes au débat, à la critique et aux amendements. Le débat autour de ces cahiers reste une priorité jusqu’au dépôt de la liste à la Préfecture. Car une alternative ne se décrète pas, elle se construit.

Pour l’essentiel et en résumé, ces propositions ont pour objectif d’offrir des solutions concrètes aux problèmes que vivent les habitants de notre région. Refusant de se contenter d’exprimer une colère souvent légitime, elles s’articulent autour du slogan “Une autre région est possible” et développent 10 grands thèmes :

I. Une priorité absolue aux transports en commun, avec l’arrêt immédiat de la prédominance accordée aux investissements routiers et autoroutiers.

II. Une politique du logement audacieuse qui relance la production de logements notamment sociaux et favorise la mixité sociale.

III. Une vraie ambition pour l’emploi, la formation et la recherche, associée à une lutte contre la pauvreté et pas contre les pauvres.

IV. Une lutte déterminée contre toutes les formes d’exclusion et de discrimination.

V. La création de contrats de réciprocité pour toutes les entreprises bénéficiaires de contrats publics.

VI. Un développement des services publics dans tous les domaines et dans tous les territoires.

VII. Un plan régional de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de prévention des évolutions climatiques permettant de stopper la course à la catastrophe écologique et sanitaire.

VIII. Une politique méditerranéenne qui, loin des shows institutionnels, et s’appuyant sur la mobilisation des acteurs locaux, permette une alternative aux ravages du libéralisme.

IX. Une ambition européenne pour la région et ses habitants.

X. La prise en compte de la diversité d’origine des populations de notre région pour en faire un élément de notre richesse commune, culturelle, économique et sociale.



6 Le danger reste d’ouvrir les portes du Conseil régional à Le Pen. Et il monte dans les sondages.
S’il monte, c’est bien parce que les politiques mises en ¦uvre sont inefficaces à combattre les inégalités, les discriminations et les idées néfastes du leader du FN.

Nous sommes dans le combat contre Le Pen depuis toujours, et nous ferons tout, je dis bien tout, pour barrer la route à Le Pen. Nous avons souhaité une grande liste, ouverte, « de Besancenot à Taubira » avions-nous dit. Le Parti socialiste n’en a pas voulu. Pour autant, nous sommes dans une élection à deux tours. Au premier tour on choisit, au second, on élimine. Que ceux qui croient encore en l’ex-gauche plurielle aillent voter pour elle. Nous, nous adressons à ceux qui hésitent, à ceux qui ne se retrouvent pas dans le choix qui leur est imposé et qui risquent de s’abstenir dans cette élection. Lors des derniers scrutins, dans notre région, nous avons déjà compté un million d’abstentionnistes. Si nous arrivons à en convaincre un sur dix, nous ferons 5 % des voix ! Au second tour, notre position sera un appel sans ambiguïté à battre Le Pen.

Le risque est que le scrutin régional ne mobilise pas et que l’électorat de Le Pen soit lui très présent.

Ne cédons pas à cette instrumentalisation de la peur d’une victoire de Le Pen ! Pour l’emporter, Le Pen devrait faire plus de 50 % des voix au premier tour. En mobilisant les abstentionnistes, nous contribuons à le faire baisser. Mais il faut proposer autre chose que le triste spectacle des partis au million d’abstentionnistes de notre région. Nous devons trouver les mots, les actes, les engagements, les candidats, qui auront capacités à motiver ceux qui désespèrent de la politique.


7 La Convention citoyenne s’est créée sur les questions municipales, qui mobilisent plus, qui sont plus proches des citoyens. Est-il judicieux d’aller se confronter à un scrutin aussi lointain, et aussi difficile ?
L’institution régionale est en effet mal connue, et l’on dirait même que cette méconnaissance arrange beaucoup de monde. Or la région gère un budget d’un milliard d’euros, 6,5 milliards de francs. Ce n’est pas rien ! Elle est compétente sur les lycées, la formation, l’emploi, la politique de la ville, les transports… Ce sont des sujets très concrets.

C’est un scrutin difficile. Mais, par exemple, si nous ne sommes pas capables d’aligner 51 candidats dans les Bouches du Rhône en 2004, comment trouverons nous 300 candidats pour Marseille en 2007 ?


8 Vous n’avez pas encore parlé argent. L’élection régionale est très chère…

Oui, il faut imprimer 7,2 millions de bulletins de vote, 3,1 millions de professions de foi ! Nous tablons sur un budget de 135 000 euros, soit 1 000 euros à réunir autour de chaque candidature. Cela fait partie de notre détermination et de notre combat.


9 Apparemment, vous serez tête de liste. Au nom de qui, au nom de quoi ?

Le candidat en tête de liste assume un poste à haut risque, il est pénalement et financièrement responsable de la campagne. Je laisse volontiers la place, mais il nous faut un candidat qui s’engage, qui rassemble et qui fasse un maximum de voix. À ce jour, les responsables du Forum des initiatives citoyennes des six départements ont considéré que j’étais le mieux à même de tenir ce rôle. Si quelqu’un d’autre pense être mieux placé, il faut le dire, mais très vite car cela ne s’improvise pas.


10 Finalement qu’attendez-vous de ces élections ?
C’est une étape et ce n’est qu’une étape. Le monde va mal, notre pays va mal et nos villes sont en mauvaise passe. Savez-vous que selon l’Insee, Marseille est la ville de la région où il y a le plus d’écart (de 1 à 14 !) entre ceux qui gagnent beaucoup et ceux qui ont des bas revenus ? Est-ce tolérable ? La situation n’est pas brillante non plus à Avignon, à Toulon ou à Nice.

Avec les autres membres de la Convention, nous nous sentons responsables du monde que nous vivons et que nous laisserons. C’est pourquoi, nous ne renonçons pas malgré les difficultés et les embûches. Nous pouvons nous tromper, mais nous avons une certitude : si nous ne faisons rien, il ne se passera rien. Et nous serons contraints de choisir, malgré nous, entre le pire et le moins bon. Il faut donc se regarder en face et assumer avec courage et détermination les échéances délicates. Ces élections sont une belle occasion de faire émerger une force citoyenne confiante dans la capacité collective à mettre en ¦uvre concrètement une autre politique et qui dans cet objectif rassemble largement les diverses sensibilités de celles et ceux qui ne se résignent pas.

Marseille, le 21 janvier 2004

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