Entretien avec Patrick Braouezec, député
(PCF) de la Seine-Saint-Denis
"Une
liste pour battre la droite et l'extrême droite
sur le contenu"
Le
texte de cet entretien a été relu et amendé
par M. Braouezec.
Le Monde, 7 novembre 2003
Vous lancez un appel "pour une alternative
citoyenne en Ile-de-France" afin de monter une liste
"anticapitaliste" qui se veut en dehors des
appareils politiques. Quelle est votre démarche
?
La démarche, c'est de créer les conditions
pour que, entre une extrême gauche dont je persiste
à penser qu'elle s'enferme dans une logique stérile
et une liste socialiste, avec ou sans le PCF, il y ait
une offre politique véritable, porteuse de changements.
Tout continue à se passer comme si rien n'était
arrivé le 21 avril 2002, avec les mêmes petits
calculs politiques. Nous, nous nous adressons aux électeurs
comme aux non-électeurs résolument à
gauche, aux militants associatifs, politiques, syndicaux
et altermondialistes pour leur dire : prenons nos responsabilités,
élaborons ensemble un projet et portons-le à
la faveur de ce scrutin régional. Nous invitons
qui le souhaite à venir à des assises de
l'alternative citoyenne que nous organiserons le 29 novembre.
Comme le dit notre appel, nous devons construire le rassemblement
anticapitaliste dont nous avons tous besoin. Pour que
les gens ne soient plus dégoûtés de
la politique, il faut qu'ils se la réapproprient.
La démocratie a besoin de sortir du monopole de
fait d'élaboration du projet et de désignation
des candidats par les partis. L'objectif de notre liste,
c'est de battre la droite et l'extrême droite, pas
par défaut, mais sur le contenu.
Quelle serait l'attitude de votre liste pour le
second tour ?
Elle se désistera ou fusionnera - si son
score le lui permet - avec la liste de gauche qualifiée,
si celle-ci le souhaite. C'est la seule façon de
faire gagner la gauche dans sa diversité.
C'est une réponse à l'accord LCR-Lutte ouvrière
? Non, pas du tout. Mais je ne désespère
pas que certains militants de la "Ligue" et
qu'une partie de son électorat nous rejoignent,
estimant que la direction de la LCR s'enferme dans une
optique sans perspective.
Vous avez prévenu le PCF ?
J'ai prévenu le PCF dans le sens où, à
l'occasion de la conférence régionale Ile-de-France
du parti, il y a deux semaines, j'ai dit à Marie-George
Buffet -secrétaire nationale du PCF- comme à
Michel Laurent -patron de la fédération
de Seine Saint-Denis-qu'il était absolument suicidaire
d'attendre le 15 décembre pour prendre une décision
sur ce que nous allions faire aux élections régionales.
Il y a urgence ! Le 15 décembre, on va y aller
comment ? Quel travail a-t-on effectué en amont
? Pour moi, on ne peut pas - via les forums - tenter de
s'adresser aux gens qui ne se retrouvent plus dans les
partis. Et leur dire le 16 décembre : écoutez,
nous le PCF, on a décidé, on n'a plus besoin
de vous.
Vous vous mettez en dehors du Parti communiste
?
Non, je reste communiste, car je considère qu'être
communiste c'est être dans le mouvement, c'est être
attentif à une diversité de la société
que le PCF a pourtant du mal à avoir en son sein.
On nous parle de reconquérir l'électorat
populaire. Pour cela, il faut qu'il se retrouve dans les
candidats qui lui sont présentés. Où
sont les jeunes issus de l'immigration, les chômeurs,
les mal logés ? Le PCF peut se joindre à
nous, s'il accompagne notre démarche et ne se conduit
pas comme un parti leader ou d'avant-garde.
Vous lancez votre initiative à la veille
du Forum social européen, accueilli à Saint-Denis,
dont vous êtes maire. N'utilisez-vous pas le FSE
comme tremplin ?
On l'aurait fait après le FSE, on nous aurait dit
la même chose. Alors, ne faisons de procès
à personne et travaillons à créer
les vraies conditions du changement dans ce pays.
Vous prendrez la tête de cette liste ?
Non, je n'ai rien à prendre.
On imagine mal que vous initiiez une liste en
Ile-de-France sans en prendre la tête
Moi j'imagine très bien d'y figurer derrière
et parmi d'autres. De toute façon, se poserait
à moi un problème de cumul des mandats.
Parmi les premiers signataires de notre appel, il y a
des gens tout à fait à même de conduire
une liste et il y en aura certainement aussi parmi ceux
qui nous rejoindront. Reste qu'il est évident que
je pèserai de tout mon poids dans la campagne qui
sera menée.
Propos
recueillis par Caroline Monnot
haut
de page