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Forum des initiatives citoyennes du 28 juin à la
Baume les Aix (13)
Intervention en ouverture de Philippe Sanmarco, président
de la Convention citoyenne
2004
: pas de victoire à gauche sans un rassemblement
citoyen !
1-Une
inquiétude et une volonté
Depuis
plus de vingt ans, se développent en France les signes
d'une crise croissante du système politique, de la
démocratie représentative et des partis politiques.
Cela se traduit par une abstention de plus en plus massive,
l'éparpillement de l'expression électorale
et la montée des extrêmes.
À cet égard le 21 avril 2002 n'est pas un
simple accident, il s'inscrit dans la continuité
de cette dégradation.
Face à cette évolution dangereuse, il nous
paraît nécessaire de ne pas se résigner
et de réagir. Cette volonté nous conduit à
refuser le désenchantement ambiant, à nous
réinvestir personnellement dans l'action publique
collective. Cette exigence d'un engagement citoyen nous
interdit de rester spectateurs. Nous devons être acteurs,
ici et maintenant, sans nous en remettre à d'autres
et sans attendre des temps meilleurs.
2-Les
échéances de 2004
Dans
cette perspective, les élections régionales
de mars 2004 sont un temps fort que nous ne pouvons négliger.
Dans notre région, la situation est complexe. L'extrême
droite y est puissante. La candidature de Le Pen va donner
de l’écho à des idées que nous
condamnons totalement et que nous combattons quotidiennement.
Mais le mode de scrutin majoritaire à deux tours
rend, sauf aveuglement des forces républicaines,
très improbable sa victoire.
En Provence Alpes Côte d’Azur, la droite est
à l’offensive, en particulier depuis ses succès
aux municipales de 2001 et aux législatives de 2002.
Elle se présentera rassemblée et fortement
mobilisée.
La gauche y est en perte de vitesse. Elle a abandonné
plusieurs villes importantes à la droite, elle ne
doit sa majorité départementale en Vaucluse
et dans les Alpes de Haute Provence qu’à quelques
voix et dans les Bouches du Rhône elle s’est
repliée sur un Conseil général fragilisé
par un redécoupage cantonal ad hoc. Au scrutin régional,
elle doit assumer six ans de cohabitation et de compromis
alors que les conditions de son rassemblement sont loin
d'être réunies.
Le résultat est donc incertain.
3.
Le Forum des initiatives citoyennes pour donner du sens
au vote
Pour
la gauche, cela peut déboucher au soir du vote sur
une situation semblable à celle du premier tour des
élections présidentielles.
Pour parer à cette éventualité, certains
dirigeants socialistes ont commencé une campagne
autour du thème brutal : "Taisez-vous, vous
faites le jeu de l'extrême droite !". Cette tentation
d'empêcher toute expression citoyenne, de faire marcher
les troupes au pas cadencé est vouée à
l'échec : le refus de la diversité d’expression
de la gauche empêchera l'adhésion de celles
et ceux qui justement ne font plus confiance aux partis.
Pourquoi ceux à qui l’on refuse le droit de
parler se mobiliseraient-ils pour reconduire les mêmes
? Un rassemblement fondé sur un seul accord d'appareils
auquel les citoyens seraient obligés de se soumettre
"pour faire barrage à l'extrême droite"
privera la gauche de soutiens indispensables et l'expose
à un échec programmé. De plus, réduire
une campagne au seul "barrage contre l'extrême
droite" est devenu pour beaucoup un thème insupportable,
car il permet de s'exonérer bien vite de ses propres
responsabilités dans la persistance et l’enracinement
du vote protestataire.
Enfin le danger existe qu'après avoir été
mis à l'écart d'une dynamique citoyenne et
obligés de réduire leur engagement au seul
vote de barrage anti-FN, certains ne choisissent, comme
aux élections présidentielles, de voter «
utile »… pour la droite républicaine.
Nous affirmons donc fortement et sereinement que si la gauche
veut l'emporter dans notre région en mars prochain
elle doit refuser la reconduction pure et simple des accords
d'appareils « justifiée » par l'épouvantail
Le Pen. L’orchestration de la peur ne peut servir
de stratégie.
Nous en appelons à un large rassemblement, avec les
partis bien sûr, tous les partis de gauche, mais bien
au delà avec les mouvements sociaux et citoyens.
Nous devons rassembler toutes celles et tous ceux qui ne
veulent pas revivre le 21 avril 2002 sans pour autant cautionner
les pratiques qui ont conduit au 21 avril.
Tel est l'objet de la démarche du Forum des initiatives
citoyennes : refuser la pression du "silence dans les
rangs", donner du sens à une réelle mobilisation
s'appuyant sur des contenus et des exigences, réussir
à insérer ceux-ci au cœur d'un large
rassemblement.
4.
Forum des initiatives citoyennes : dans quelle région
voulons nous vivre ?
À
l'occasion des échéances électorales
de 2004, les acteurs du mouvement associatif, du mouvement
social, des mouvements citoyens ont des choses à
dire et nous devons faire en sorte que ces aspirations,
ces critiques, ces exigences s’expriment. Nous voulons
faire du temps électoral un temps utile, positif,
dans lequel les citoyens se reconnaissent et s'impliquent.
Loin d'un spectacle limité aux manœuvres d'appareils.
C'est la condition de la victoire.
Dans cet esprit, et tout au long des multiples réunions
que nous avons initiées dans les six départements
de notre région, nos travaux ont consisté
essentiellement à répondre aux deux questions
suivantes :
-
Quelles
sont les conditions d'une mobilisation citoyenne ?
Il est clair pour les hommes et les femmes qui participent
à cette démarche que la question des contenus
d'une politique régionale est préalable
à la question des personnes et des listes. Nous
voulons savoir pour quoi nous allons voter avant de
savoir pour qui. C'est l'objet des cahiers de revendications
et de propositions dont l'ambition n'est pas de singer
les "programmes" qu'on ne manquera pas de
nous présenter (sans y croire), mais de dire
fortement, sur quelques points clés, ce que nous
n'acceptons pas et ce que nous proposons. Cinq thèmes
ont fait l'objet de réflexions approfondies qui
seront prochainement publiées afin d'élargir
et d'enrichir encore plus ce chantier ouvert à
tous. Politique de la ville, développement durable,
culture et identité, coopération méditerranéenne,
sont ainsi l'objet d'analyses concrètes et de
propositions précises. Enfin les pratiques des
élus, leur mode de fonctionnement individuel
et collectif, leur rapport aux fonctionnaires chargés
de la mise en place d'un service public régional,
leurs relations aux associations et aux citoyens ont
fait l'objet d'un travail particulier. Au-delà
des promesses vite oubliées et des programmes
soumis aux aléas d'une conjoncture incertaine,
c'est là que se situe la garantie de processus
transparents et efficaces !
-
Comment
rassembler toutes celles et tous ceux qui ne se résignent
pas, qui refusent de se rendre ?
C'est la question des alliances nécessaires pour
porter de manière crédible les contenus
d'une politique telle que nous la voulons pour notre
Région.
À ce stade de notre démarche, et à
l'issue de nombreuses réunions de terrain, nous
disons clairement qu'il nous paraît indispensable
dans un premier temps d'œuvrer pour que se constitue
à gauche un rassemblement le plus large possible,
à la fois respectueux des diverses sensibilités
qui traversent la gauche, mais surtout porteur de vrais
engagements, concrets, qui garantissent que les choses
ne seront pas comme avant, qu'il ne s'agit pas d'un
replâtrage pour sauver ce que justement nous refusons
de cautionner.
Certains responsables politiques proposent, et nous
proposent, qu'au premier tour du scrutin se constitue
une liste autonome permettant d'exprimer pleinement
une sensibilité écologique, sociale et
citoyenne. Cette liste conduirait son combat de façon
autonome avec la perspective au second tour d’une
fusion des listes de gauche pour permettre le rassemblement
sur des bases claires.
Cette position est parfaitement respectable. C'est le
processus qui a conduit à la victoire de Bertrand
Delanoé à la Mairie de Paris et au maintien
de l'adhésion populaire autour de lui bien après
les élections. Mais la situation particulière
de notre région permet-elle de rendre cette hypothèse
crédible ? La réponse ne dépend
pas de nous.
Faut-il au contraire, dès le premier tour, une
seule liste à gauche, ouverte, novatrice, démocratique,
transparente et résolue ? Le débat est
ouvert. Mais si les partis traditionnels se barricadent,
s'enferment pour défendre leurs privilèges,
ou se contentent de quelques artifices, nous ne nous
associerons pas à un échec annoncé.
Rien ne serait pire que le renoncement.
Nous l'affirmons en conscience : si la démarche
initiée par le Forum des initiatives citoyennes
ne trouvait pas d'une manière ou d'une autre
un débouché politique lors des prochaines
élections, c'est que certains auront pris le
risque de l'échec de toute la gauche. Nous ne
pouvons le croire. C'est pourquoi nous poursuivons notre
démarche et nous rendrons publique chacune des
étapes à venir.
Philippe
Sanmarco
Le 28 mai 2003, la Baume les Aix (13)
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