Philippe Sanmarco,
8 juin 2005
Du courage dans l’adversité
21
avril 2002, 29 mai 2005 : le plus surprenant est la surprise
elle-même. Comme si à chaque fois un coup de
tonnerre venait éclater dans un ciel bleu. Et comme
s’il s’agissait toujours d’un regrettable
accident qu’il allait vite falloir oublier.
21 avril 2002, 29 mai 2005 : le plus surprenant
est la surprise elle-même. Comme si à chaque
fois un coup de tonnerre venait éclater dans un ciel
bleu. Et comme s’il s’agissait toujours d’un
regrettable accident qu’il allait vite falloir oublier.
La Convention Citoyenne est née il y a bientôt
quatre ans de la conviction inverse que nous étions
confrontés à une grave crise politique qui
dépassait les clivages traditionnels et qui exigeait
de remettre complètement à plat le fonctionnement
de la démocratie dans notre pays, sans quoi c’est
celle-ci qui serait mise en danger.
À tort ou à raison les partis de gouvernement,
de gauche comme de droite, ont laissé depuis 20 ans
s’installer l’idée que l’action
politique était devenue impuissante. Mieux ils ont
tous laissé entendre que cette impuissance était
la conséquence de décisions européennes
alors qu’aucune décision n’a jamais été
prise à Bruxelles sans l’accord des gouvernements
français.
Certes lors des élections pour lesquelles le découpage
territorial est déterminant (législatives,
régionales, cantonales et municipales), ces partis
ont pu profiter de systèmes électoraux les
favorisant, au prix de la montée de l’abstention.
Mais quand le citoyen s’est senti directement responsable
du résultat, et c’est justement le cas des
présidentielles et du référendum, alors
la terre a tremblé.
Cela continuera tant que les partis de gouvernement, de
gauche comme de droite, n’auront pas montré
qu’ils s’attaquaient enfin aux problèmes
de notre temps, et qu’ils apportaient des solutions
à des inquiétudes bien réelles devant
un monde qui bouge à grande vitesse.
Le 21 avril 2002, c’est la gauche qui a été
jetée à terre et la droite en a profité.
Le 29 mai 2005, gauche et droite ont été
également déstabilisées. Encore quelques
années de surdité et au second tour des élections
présidentielles s’affronteront un candidat
de l’extrême droite et un candidat de l’extrême
gauche.
Bien évidemment cette perspective peut en réjouir
certains : ils sont nombreux, très nombreux.
Et si, comme au référendum, ils s’additionnent
à la masse de celles et ceux qui ne sont ni d’extrême
droite ni d’extrême gauche mais qui sont en
colère devant le spectacle des partis de gouvernement,
alors ils deviennent majoritaires.
Devant la tempête qui se lève, il faut d’abord
rester calme et ne pas céder aux démons du
passé, au repli nationaliste ni au mythe du grand
soir révolutionnaire. Il faut beaucoup d’amnésie
pour oublier que l’un et l’autre n’ont
engendré que des malheurs. Jouer sur les peurs ou
les illusions est facile mais dangereux. Pire, si nous n’y
prenons pas garde, l’évidence de paix en Europe
peut rapidement se détricoter et les guerres commerciales
sont toujours suivies des guerres militaires. Nous n’en
sommes pas à l’abri. Les peuples de la Yougoslavie
viennent d’en faire l’amère expérience.
Mais il faut aussi beaucoup d’exigence et ne pas avoir
peur de dire les vérités qui dérangent
les appareils en place mais aussi chacun d’entre nous.
Car en effet à quoi sert la politique si rien ne
change ? Et comment l’Europe ne serait-elle pas
désignée comme responsable de tous nos maux
quand on s’est défaussé sur elle de
toutes nos lâchetés, personnelles et collectives ?
N’attendons pas que les solutions tombent du ciel
en se contentant de secouer le cocotier. Nous-mêmes,
dans notre région, dans nos communes, sommes-nous
satisfaits de ce qui se passe et que faisons-nous pour que
ça change ? Cessons l’incantation rituelle
et la simple protestation : engageons-nous concrètement
sur le terrain de notre choix. La démocratie a besoin
de chacun d’entre nous, personnellement. L’individu-citoyen
est exigeant, et c’est bien. Ne pas se contenter de
détruire et de zapper mais construire, patiemment,
en tenant compte d’une réalité complexe
et mouvante : nous sommes là au cœur de
notre démarche et de nos propositions. Ce n’est
certainement pas le moment de se décourager.
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